Suite de mon article La Biennale, Mode d’emploi! — Part I —
MON TOP 5 DES ÉVÉNEMENTS COLLATÉRAUX
« THE BOAT IS LEAKING. THE CAPITAIN LIED » de Thomas Demand, Alexander Kluge et Anna Viebrock.
Trois artistes, trois allemands, trois domaines de compétences (respectivement, la photographie, la vidéo et la scénographie). Une équation qui donne une exposition remarquable par sa forme originale. Ne vous laissez pas rebuter par le Rez-de-chaussé vide, froid et hyper conceptuel du début de l’exposition car dès l’arrivée au premier étage vous pénétrer dans un univers parallèle! jeu de portes labyrinthique évoquant Alice au pays des merveilles, salles d’audiences tout droit sorti d’un film d’espionnage ou d’un documentaire sur l’ex RDA , jeux de décor Lynchéen, on voyage d’un univers à l’autre sans savoir ce qui nous attend derrière la prochaine porte. En revanche, je dois avouer ne pas avoir vraiment réussi à saisir le sens profond de l’exposition. On a la sensation que les propos partent dans de multiples directions: métaphore d’un monde qui sombre, discours tautologique sur le monde de l’art, rapport au faux-semblant, etc. En sortant on est donc un peu perdu mais peut être est-ce le vrai sens de cette exposition?
Fermé le mardi – Entrée 10€
« INTUITION » Exposition collective.
Splendide palais gothique transformé en divers ateliers de création (photographie, maquettes de théâtre, peinture sur textile) par Mariano Fortuny au début du XXème siècle, le musée a conservé les meubles et la décoration crée par son ancien propriétaire. C’est donc dans un cadre sublime que l’on découvre les œuvres de cette exposition, curatée par l’antiquaire et commissaire belge Axel Vervoordt. Mêlant oeuvres contemporaines, modernes, classiques, art tribal ou design, l’exposition fonctionne comme un cabinet de curiosités où les merveilles foisonnent. On y retrouve les grands noms de l’art contemporain au mieux de leur forme, avec notamment un Anish Kapoor fascinant, des sculptures minérales performatives de Marina Abramovic ou encore une tapisserie monumentale d’El Anatsui. Reprenant les codes d’accrochage du 19ème siècle dans certaines salles et un accrochage plus contemporain dans certaines autres (avec notamment deux salles monochromes noires et blanches de toute beauté) le commissaire promène le spectateur d’un univers à l’autre, grâce à une scénographie ultra maitrisée. On entre donc facilement dans la thématique de cette exposition, qui souhaite parler à notre intuition, révéler l’inconnu, jeter une passerelle entre le monde sensible et l’invisible.
Fermé le mardi – Entrée: 12€
« GLASS AND BONE » Abbazia di San Gregorio.
Bonne surprise que cette exposition de Jan Fabre qui rassemble une trentaine d’œuvres réalisées comme son nom nous l’indique, exclusivement en os et en verre. Revenant sur 30 ans de création, les œuvres datent des années 70 à aujourd’hui. On y découvre entre autre, une ligne de crânes de verre teintés au stylo bic mangeant des squelettes d’animaux en tous genres ainsi qu’une impressionnante barque à taille réelle, réalisée entièrement en os humains et d’animaux. Cette œuvre qui date de 1991, fait évidemment un écho morbide et glaçant à l’actualité, mais également à la barque que Charon fait voguer sur le Styx pour rejoindre les enfers… Cette exposition est également à visiter pour son cadre splendide, l’Abbazia di San Gregorio, qui offre un écrin de choix aux œuvres.
Fermé le lundi – Entrée libre
LORIS GRÉAUD
« THE UNPLAYED NOTES FACTORY » Fondation Berengo.
Un peu excentrée sur l’île de Murano, cette installation est peut être celle que j’ai le plus appréciée de cette biennale. Immersive, impressionnante mais pas monumentale, elle propose une vraie expérience au spectateur, qui pénètre dans une ancienne soufflerie de verre désaffectée remise en état de marche pour l’occasion. Saisi dès l’entrée par une chaleur suffocante, le spectateur évolue dans une obscurité où seuls quelques rayons de soleil filtrent à travers les vitres noircies. Au plafond, des centaines de nuages de verre s’animent par vague de lumière et de son. Au fond, un artisan verrier produit ses nuages de verre sous nos yeux, en attendant qu’ils ne se brisent, immuablement… le cycle de la vie passe sous nos yeux, de la création à la destruction. Voilà donc une installation qui a su à la fois dialoguer avec le lieu et son histoire et porter le propos un peu plus loin, de manière à ce qu’il puisse ouvrir des réflexions multiples (la vie, le cycle, la tradition, l’artisanat), avec une cohérence et une simplicité appréciable. Le billet de l’exposition peut être couplé avec l’exposition Glasstress, qui se tient au Palazzo Franchetti (près du Pont de l’Académie). Si vous avez le temps, je vous conseille d’aller y jeter un oeil car malgré sa taille réduite et sa scénographie un peu simple, l’exposition compte quelques belles pièces et est présentée dans l’un des Palazzo les plus époustouflant de Venise!
Ouvert tous les jours – Billet solo: 5€/ Couplé Glasstress: 10€
DAMIEN HIRST
« TREASURES FROM THE WRECK OF THE UNBELIEVABLE » Fondation Pinault.
Cette exposition a fait tellement de bruit qu’il est difficile d’en faire l’impasse. Après 10 ans d’absence c’est le GRAND, ÉNORME, MONUMENTAL retour de Damien Hirst, qui investit les deux espaces de la fondation Pinault. En y pénétrant, j’avais tellement entendu de critiques sur cette exposition que j’en avais un très mauvais à priori, qui finalement s’est un peu modéré à la sortie. Montée autour de la fable d’un naufrage, cette exposition est un grand canular au coût exorbitant. Gros coup médiatique, gros coup de poker, gros coup financier, on retrouve la recette qui a fait le succès de Damien Hirst. L’artiste/businessman a enfin lâché les vanités pour nous offrir un renouvellement esthétique (pas forcément à mon goût, je dois l’avouer) et conceptuel (la fable du naufrage, qui devient la métaphore de sa propre vie), que l’on apprécie ou pas. Une chose est sûre c’est qu’il est quand même truffé d’humour (passez derrière les Venus de marbre et vous y retrouverez la marque des Barbies) et ouvre à la réflexion (notamment sur l’esthétique contemporaine, le rapport à la starification, la mégalomanie et la démesure, les enjeux financiers du marché de l’art, etc). On peut en critiquer l’esthétique kitschissime, le rapport à l’argent qui transpire de tous les pores de la peau de ces personnages faits de marbre, d’agate, de jade, d’or et d’argent, ou même à la vente de ces pièces (au dernier étage du Palazzo Grassi par exemple, vous trouverez une tablette où vous pourrez revoir toutes les pièces de l’exposition, leur dimensions, matière, etc, à la manière du site venteprivee.com, il ne manque plus que la touche « ajouter au panier »!), mais une chose est sûre c’est que tout cela est assumé jusqu’au bout et c’est ce qui la rend recevable.
Le géant est ridiculement grand (il touche presque les murs du Palazzo Grassi), le nombre de pièces de l’exposition donne la nausée (plus de 200 œuvres exposées), le marbre de Carrare est patiné pour lui faire ressembler à de la vulgaire résine (pour renforcer le côté « carton-pâte »), l’enjeu de la vente des œuvres de l’exposition est étalée au grand jour, les indices de la supercherie sont visibles et de plus en plus évidents au fur et à mesure des salles…Il n’y a aucun doute possible, on se trouve au coeur d’une gigantesque imposture. Mais de quelle imposture parle-t-on?
Les visiteurs non-initiés voient les deux niveaux de compréhension de la fable qui leur ai raconté, les initiés du monde l’art y voit un « come back » marketing artistiquement orchestré par deux grands acteurs commerciaux du monde de l’art (François Pinault et Damien Hirst), qui assument pleinement cet état de fait et s’amusent à le mettre en scène à travers l’exposition. Bref, on en pense ce que l’on veut, mais pour moi cette exposition c’est du 100% Damien Hirst: elle bouscule, scandalise, dérange, ouvre le débat sur la place omniprésente (et invasive) du marché de l’art dans la création contemporaine. Naufrage ou pas, cette exposition est quand même à visiter, à la fin ce sera à vous de décider si vous lancerez ou non une bouée de sauvetage à notre artiste et son mécène!
Fermé le mardi – Entrée : 18€ pour les 2 Musées.
EN VRAC!
- LA SCULPTURE MONUMENTALE « SUPPORT » DE LORENZO QUINN EST L’ŒUVRE LA PLUS PHOTOGRAPHIÉE ET PARTAGÉE DE CETTE BIENNALE 2017! Malheureusement personne ne connait le nom de son auteur, faites la différence et créditez votre photo sur le réseaux sociaux! 😉
- LE LION D’OR DU MEILLEUR ARTISTE DE LA BIENNALE DE VENISE 2017 À ÉTÉ DÉCERNÉ À L’ARTISTE ALLEMAND FRANZ ERHARD WALTHER
Pour ses œuvres de 1975 et 1983… Fresh!
- LA TENDANCE « WTF » DE CETTE BIENNALE 2017, SONT LES ALIENS…
On se sait pas ce qui s’est passé chez nos artistes contemporains cette année mais certains sont allés chercher l’inspiration sur d’autres planètes! Petite florilège en images.
- L’EVENEMENT COLLATÉRAL, FUTURE GENERATION ART PRIZE 2017 VAUT LE DÉTOUR.
Cette exposition rassemble les lauréats du prix Future generation. Les œuvres sont inégales mais elle permet d’entrer au Palazzo Contarini Polignac, qui est un petit bijou d’architecture Vénitienne encore préservé.
- L’HYPERPAVILION MÉRITE DE TRAVERSER LE CANAL ET DE S’AVENTURER VERS L’ARSENAL NORD.
Il présente une dizaine d’artistes autour de la thématique de l’art digital. Pour ceux qui n’ont pas vu la vidéo du Prix Marcel Duchamp de Julien Prévieux, vous aurez l’occasion de vous rattraper!
je vous souhaite à tous une bonne découverte de la Biennale de Venise 2017!
Anaïs Montevecchi