Réponse à l’exposition Pixel-collage de Thomas Hirschhorn: « Hyper sensible » et fière de l’être!

Chers curieux,

Je me permets d’utiliser l’espace d’expression de mon blog pour formuler ma réaction à l’exposition de l’artiste Thomas Hirschhorn à la galerie Chantal Crousel, intitulée Pixel-Collage.

Pour ceux qui n’ont pas vu cette exposition, elle présente des images de très grand formats, montrant des cadavres de corps humains détruits (à la suite d’explosions, de tirs d’armes à feu, etc. dans le contexte, on le suppose de guerres contemporaines), parfois combinées avec des images récupérées dans des magazines de mode pixelisées. Ces images sont d’une rare violence. Elles montrent des cadavres se vidant de leur viscères, des orbites explosés en gros plan, des corps calcinés, etc.

Une vitrine, au centre de la pièce, expose le cheminement du travail de l’artiste et un texte écrit par Thomas Hirschhorn lui-même qui « tente d’expliquer en huit points pourquoi il est important aujourd’hui de regarder des images de corps humains détruits » et complète le communiqué de presse, également écrit par l’artiste qui explique le but de l’exposition.

Ma première réaction face à cette exposition a été le rejet. En effet, je n’avais jamais été confronté à des images aussi violentes (et gores) de toute ma vie, car après avoir vu Nuit et Brouillard à l’âge de 9 ans, j’ai compris très rapidement l’intérêt de me préserver des images violentes.

Après m’être penchée sur le fameux texte de la vitrine, qui est très pertinent sur certains points (notamment, quand l’artiste aborde la question de l’instrumentalisation de l’absence d’images de guerre violentes à des fins de propagandes ou « la tendance à l’iconisme » qui prime dans l’image média), j’ai failli me convaincre qu’il était nécessaire que je me confronte à ces images même si je n’en avais pas envie et peut importe les conséquences que cela pourrait avoir… Et pourtant, après y avoir beaucoup réfléchi, après avoir appelé des amis à la rescousse pour débattre de cette question, aujourd’hui je pense qu’il est important que ces images existent mais je suis convaincue qu’il est important que je m’en préserve.

Dans le dernier paragraphe du texte expliquant en huit points pourquoi il faut regarder des images de corps humains détruits, il est écrit que les gens qui refusent de regarder ces images le font pour « préserver leur confort, leur calme et leur luxe », se distancer de la réalité. La distinction est apporté par l’artiste entre «  »La sensibilité », qui signifie (…) rester éveillé, attentif, et « l’hyper-Sensibilité », qui signifie l’enfermement sur soi et l’exclusion.  »

Je suis surement à classer dans la catégorie « Hyper-Sensible » car la vue de ces images m’a profondément choquée et je refuse de revoir des images comme celles-ci régulièrement, mais je ne pense pas pour autant être enfermée sur moi ou de vouloir fuir le réel. Je pense faire partie de la catégorie de gens qui ont un tempérament empathique et je n’ai donc pas besoin d’images de corps détruits pour me figurer les horreurs de la guerre, ni de voir l’image du petit Aylan mort sur une plage pour réaliser l’ampleur du drame humain qui se joue en Europe depuis quelques mois.

Dans le communiqué de presse, l’artiste établit que l’on pixelise dans une image ce qui est inacceptable et on laisse visible ce qui est acceptable pour protéger le spectateur.  « Je n’accepte rien de protecteur », écrit-il dans le communiqué, considérant la pixellisation comme une forme de censure.

Les images pixelisées sont très souvent des images qui sont diffusées et visibles par le plus grand nombre. On voit des images pixelisées principalement dans les journaux ou des espaces de diffusion de masse, visibles par tous les publics. L’application de la pixellisation n’est donc pas faite pour protéger un public adulte averti, mais des publics plus sensibles sur lesquels ces images pourraient provoquer des traumatismes, comme les enfants par exemple qui seront dans l’incapacité de symboliser les chocs provoqués par la vision de telles images.

De plus, les récents attentats de Paris et leur surmédiatisation (notamment sur les réseaux sociaux), ont mis en lumière le fait qu’une exposition importante à des images violentes pouvaient provoquer des troubles profonds, même sur un public adulte (Je vous renvoie à cet excellent article sur le sujet).

La pixellisation est donc appliquée à des images qui pourraient atteindre un public qui n’a pas choisi de voir ces images, mais si une personne ressens le besoin de se confronter à des images de corps humains détruits aujourd’hui, elle est libre de le faire en une simple recherche internet. La limite entre censure et protection est évidemment ténue et la question est pertinente mais je ne ressens pas l’autorité d’un acte de censure à la pixellisation d’une image que je peux trouver non pixelisée sur un autre support (comme Internet).

Pour résumer ma position, je pense que me préserver de « d’images de corps humains détruits » me permet d’échapper aux effets traumatiques qu’elles peuvent créer mais ne m’empêche pas d’avoir une pleine conscience des faits et de comprendre le monde dans lequel je vis car je fais preuve d’empathie.

Je me sens libre d’aller me confronter à ce type d’images via internet si j’en ressens le besoin, mais je veux que mon contact à ces images soient limité afin de préserver l’écœurement et l’indignation qu’elles soulèvent en moi. Je souhaite rester « hyper-Sensible » car multiplier les contacts à ce genre d’images pourrait avoir comme conséquence de les banaliser et je refuse qu’une telle image puisse devenir banale à mes yeux.

Je pense que les problématiques questionnées par les images et les textes diffusés dans cette exposition sont primordiales, mais je regrette de ne pouvoir débattre davantage de ces questions avec l’artiste ou la galerie qui la présente.

Je déconseille évidemment cette exposition aux publics sensibles, c’est pourquoi j’ai choisi de ne pas illustrer cet article.

Anaïs Montevecchi

Thomas Hirschhorn
Pixel-collage

Galerie Chantal Crousel
jusqu’au 26 février 2016
Du mardi au samedi
de 11h à 19h

 

 

Ce contenu a été publié dans Expositions, Non classé, avec comme mot(s)-clé(s) , , , , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *